IMMOBILIER AU MAROC : LE TEMPS DE LA SAGESSE ?

IMMOBILIER AU MAROC : LE TEMPS DE LA SAGESSE ?

L'Express (édition internationale)

Heureux ! Robert Griesbach, retraité de 63 ans, établi dans la région de Marne la Vallée, est impatient de s’envoler pour le Maroc. A une quarantaine de kilomètres d’Agadir, il a  acheté en juin dernier une villa avec piscine dans le village pour seniors créé par le groupe immobilier Dyar Shemsi. « Le soleil, la chaleur c’est ce qui m’attire. J’ai aussi vécu au Maroc durant ma prime enfance,  explique t-il. A Dyar Shemsi, il y a un centre médical, des services, on va se retrouver essentiellement entre Européens. Je ne serai pas isolé ». Pour sa maison -  deux chambres, une salle à manger -, il a déboursé 160 000 euros, sans compter la piscine.

« Depuis juin, je suis allé deux fois au Maroc pour voir l’avancement des travaux. La villa est prévue pour décembre. Dès que ma femme et moi-même, qui sommes en train de divorcer, aurons vendu la maison en France, je prends la route pour Agadir ! », lance Robert Griesbach.
A Dyar Shemsi, la commercialisation des 43 premières maisons de ce village pour retraités, concept novateur au Maroc, est presque achevée. Situé en pleine nature, dans une  paisible orangeraie de 30 hectares, le projet de 140 villas comprend un dispensaire médical ouvert 7 jours sur 7, des navettes pour se rendre à la ville la plus proche, mais aussi un restaurant, un club house, une piscine, un parcours de golf, des terrains de tennis et de pétanque…
« Nous avons principalement une clientèle de jeunes retraités français, âgés de 55 à 65 ans. Ils représentent près de 70% de nos futurs résidents, indique Omar Maaouni, directeur associé du groupe immobilier marocain. Pour ceux qui ne connaissent pas le Maroc, le projet rassure et présente les facilités de la vie en communauté ». Sans oublier les avantages fiscaux : abattement de 40% puis réduction d’impôt de 80% sur les pensions de retraites, à condition d’être résident fiscal au Maroc.

Pour une villa de 80 m², les prix débutent à 100 000 euros et peuvent grimper jusque 200 000 euros, selon les superficies et le niveau d’équipement.
« A contrario des concepts américains totalement réservés aux seniors, nous souhaitons éviter l’effet ghetto et introduire une mixité générationnelle et culturelle, avec une clientèle marocaine, plus jeune », précise Omar Maaouni. La crise ? « Elle a un impact, reconnait le directeur de Dyar Shemsi. Les banques jouent moins le jeu. Certains prospects hésitent aussi à se lancer dans l’acquisition d’un bien secondaire pour garder des liquidités afin d’aider leurs enfants ».
Pour les retraités, la demande concerne surtout le balnéaire, sur l’axe Agadir-Tanger. « Les budgets s’étalent de 150 à 250 000 euros (…) C’est une population qui a besoin d’être accompagnée», confirme Dounia Boukhari, directrice d’agence à Casablanca pour le groupe immobilier Laforêt. La filiale du groupe français commercialise ainsi seulement les produits de programmes neufs respectant le principe de la Vente en état futur d’achèvement (Vefa), régime juridique obligatoire pour la vente sur plans, qui prévoit le versement d’une caution bancaire ou une assurance, mais souvent peu respecté des promoteurs.
Changement de décor, près de l’ancienne cité portugaise d’Al Jadida. Sous un vigoureux vent marin, de petits groupes de golfeurs étrangers tapent la balle sur les links de Mazagan, station balnéaire du groupe sud-africain Kerzner, ouverte en octobre dernier. Sur la colline, la construction des résidences s’achève. 59 des 67 villas prévues ont été vendus, pour des prix oscillants entre 10 et 25 millions de dirhams (de 890 000 à 2,2 millions d’euros). De belles et vastes maisons avec piscine, de type californien, pouvant aller jusque 1 200 m², terrasse comprise.
« Nous pensons que nous aurons vendu la totalité dans les deux à trois prochains mois », affirme Marie Béatrice Lallemand, PDG de Mazagan. Les acheteurs ? Ils sont à 80% Marocains, originaires de Casablanca et de Rabat pour la plupart, motivés par l’acquisition d’une résidence secondaire en bord de mer, à une ou deux heures de trajet en voiture. Parmi les étrangers : des investisseurs Français et Suisses, professions libérales, jeunes retraités, amoureux du Maroc, qui choisissent El Jadida versus Marrakech à cause du climat et optent pour un environnement séduisant. Mazagan qui s’étend sur 250 hectares donne accès au golf, à la mer, à la forêt avoisinante, ainsi qu’aux services du resort (spa, restaurants, terrains de tennis, casino, discothèque, animations, kids club).

Marrakech victime de son succès

« La clientèle internationale est un peu arrêté par la notion de maison. En Europe, maison secondaire veut dire entretien du jardin, toiture à réparer, c'est-à-dire des responsabilités. Elle est davantage à la recherche d’appartements. C’est plus facile car la copropriété s’occupe de tout », indique toutefois Marie Béatrice Lallemand.
Contrairement à d’autres projets touristiques et résidentiels, Mazagan n’a pas été obligé de vendre les villas pour financer son développement hôtelier. Un vrai plus qui verra les premiers acquéreurs prendre possession de leurs maisons en juillet, dans un environnement achevé.
Dans les six premières stations balnéaires du plan Azur, la part du résidentiel de loisirs occupe 25 à 50%. « Pour les autres stations du plan Azur extension, il y aura 40% d’hôtellerie, 40% de résidentiel et 20% de RIPP, des résidences immobilières de promotion touristique, souligne Omar Bennami, directeur de la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT). C’est un nouveau produit à cheval entre l’immobilier de loisirs et l’hôtellerie, du type appartement hôtel ». Tandis que le décret portant création des RIPP est sorti en 2009 seulement, le groupe français Pierre & Vacances, associé à la Caisse marocaine de dépôts et de gestion (CDG), est déjà à la manœuvre à Marrakech. Au sud-ouest de la ville ocre, la première phase d’investissement, dont l’achèvement est prévu fin 2012, portera sur la réalisation d’un Oasis Eco Resort de 480 appartements et maisons sur 50 hectares. Sur l’ensemble du territoire, l’objectif est de réaliser à l’horizon 2013, 3 000 appartements et résidences de tourisme.
Aujourd’hui victime de son succès, avec une offre surdimensionnée au regard de la demande, Marrakech a vu le prix de certains de ses appartements chuter drastiquement, de 30 à 40%, en raison de la crise. « C’est le cas notamment des produits hors du centre ville, sans petit plus comme un golf par exemple. Dans certains quartiers, le prix est tombé à 1 200 euros le m² quand il était à 1 600-2 000 euros, il y a trois ans », indique Bernard Charrière, responsable du groupe immobilier et d’investissement d’origine suisse MC Groupe, présent à Marrakech, Casablanca et Tanger. Par manque de trésorerie, certains projets sont carrément à l’arrêt. La qualité du bouclage des financements, le manque de suivi et de sérieux des promoteurs, notamment pour le respect des dates de livraison, est décrié.
Les autorités de la région de Marrakech ont ainsi décidé de geler les nouveaux projets, hors du périmètre urbain, privilégiant les offres originales, dans l’esprit du Samanah Country Club. Le projet réalisé par le groupe français Alain Crenn a été élu meilleur projet touristique et golfique au monde en 2009, par les International Property Awards à San Diego. Sur le site, les appartements se négocient à partir de 200 000 euros, les villas à partir de 365 000 euros. 50 maisons sur 200 prévues ont d’ores et déjà été livrées.
Mais depuis quelques mois, les opérateurs constatent une reprise. Après avoir connu une forte baisse de son activité de novembre 2008 à août 2009, Marc Alligier, directeur général de l’agence Mauresque, retravaille correctement. Son credo ? Le riad de luxe dans la médina de Marrakech. Son portefeuille contient quelques 150 riads refaits à neuf et une centaine d’autres à rénover. Sa clientèle essentiellement européenne semble plus mature. « Avant la crise, on voyait des gens qui passaient, rêvaient, qu’on pouvait encore acheter un riad pour 100 000 euros ou se faire financer totalement par une banque marocaine. Aujourd’hui, nous avons moins de contacts, mais faisons autant de transactions. Le phénomène de mode est toujours valable. A trois heures des capitales européennes, Marrakech offre un réel dépaysement », souligne Marc Alligier, qui constate un intérêt nouveau des clients espagnols.
« La clientèle a changé, confirme Bernard Charrière, de MC Groupe. Nous avons davantage de clients qui disposent de budgets plus importants, achètent de grosses maisons. On a l’impression qu’une certaine clientèle inquiète de l’évolution de la fiscalité en Europe est en train de s’organiser pour avoir une base arrière. Avec la baisse des taux sur les marchés financiers, nous avons aussi de nombreux cadres bancaires qui investissent dans l’achat d’un ou deux appartements pour la location, avec un rendement garanti ». Pour un appartement situé dans le centre ville de Marrakech, MC Groupe propose un rendement d’environ 6% net par an, une fois les charges courantes et de syndics réglés, contre 3-4% en moyenne en France. Les particuliers ne sont pas les seuls intéressés. MC Groupe a récemment été mandaté par un fonds d’investissement londonien afin de lui trouver un immeuble à l’achat à rentabiliser via la location touristique.
Loin de l’emballement euphorique de ces dernières années, le marché marocain de l’immobilier s’assagit, les acheteurs aussi font montre d’une plus grande prudence. « On pouvait observer des comportements très imprudents par le passé, comme des Marocains résidant à l’étranger faire une réservation sur un programme à Paris sans prendre la peine de se déplacer et de regarder », indique Franck Dautria, responsable du groupe Laforêt au Maroc. Pour les Marocains de l’étranger, une clientèle qui ne faiblit pas, Laforêt a même prévu une offre spéciale « Darkoum », qui permet de régler un acte d’achat en trois semaines. « Durant la période estivale, moment de retour prolongé au pays, nous organisons des visites après avoir cerné au plus près la demande. A condition que l’on ait préparé le dossier auparavant, voire même bouclé le financement, les démarches peuvent aller très vite », explique Dounia Boukhari.
Pour les MRE, l’acte d’achat est largement sentimental. L’idée est de se constituer un patrimoine dans la région d’origine, en profitant du bien un ou deux mois dans l’année. La maison ou l’appartement est mis en location le reste de l’année.
Dans le nord du Maroc, du côté d’Asilah, MC Groupe commercialise des appartements dans des résidences avec piscine, autour de 60 000 euros, principalement achetés par les MRE. Si la rentabilité annuelle en location est bien moindre qu’à Marrakech, « à long terme, c’est vraiment un bon placement, très stratégique, à quelques kilomètres de Tanger, qui sera requalifié en port de plaisance, et susceptible de donner une plus value intéressante à la revente dans cinq à dix ans », estime Bernard Charrière.